Depuis plusieurs mois, un partenariat avec la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) Auvergne-Rhône-Alpes a été mis en place, sur l’ensemble du vignoble de l’Union des Vignerons Ardéchois, mais plus particulièrement sur le Domaine Terra Noé, dans le but d’évaluer la biodiversité sur ces parcelles en conversion vers l’Agriculture Biologique.
Michel Mure, animateur/ coordinateur actions biodiversité LPO Auvergne-Rhône-Alpes et Julie Coutout, chargée de mission et coordinatrice Refuges LPO Auvergne-Rhône-Alpes, nous présentent les actions mises en place sur le Domaine et l’intérêt pour la LPO d’un tel partenariat.
» Le Domaine Terra Noé est une opportunité assez rare de pouvoir suivre l’évolution de la biodiversité au sein d’un vignoble en conversion BIO. Il s’agit d’un parfait site expérimental pour observer et évaluer comment la biodiversité va s’adapter et reconquérir les parcelles de vignes, suite aux changements de pratiques qui ont été engagés depuis 1 an, et après plusieurs années en agriculture conventionnelle. Ceci est d’autant plus vrai que parallèlement aux suivis de la biodiversité que la LPO a lancé en 2019, les Vignerons Ardéchois réalisent un suivi technique (analyse des sols, changement des pratiques pour la protection des vignes, etc.), ce qui va permettre d’évaluer précisément et à différents niveaux l’évolution de la vigne et de la biodiversité.

Le sud de l’Ardèche présente une diversité d’espèces et d’habitats importante qui est caractéristique des régions méditerranéennes avec un système agropastoral ancien qui a façonné les paysages que l’on peut observer en partie aujourd’hui. « En partie » car la viticulture a fortement évolué en superficie et dans sa répartition spatiale au cours des dernières décennies : les vignes occupent aujourd’hui de nombreuses terres arables autrefois cultivées annuellement (céréales) sur de petites surfaces, pour donner de grandes parcelles peu favorables à l’accueil de la biodiversité .
Les vignes du domaine se situent aux pieds d’un coteau recouvert de garrigues et de taillis. Elles sont ponctuées de talus, fossés, bandes enherbées, prairies… Elles sont également partiellement traversées par deux ruisseaux intermittents, affluents de l’Auzon, en partie recouverts de boisements rivulaires appelés ripisylves ou de haies. Ces habitats naturels constituent des éléments majeurs et structurants pour la biodiversité du domaine qui aura plus de mal à se déplacer et réaliser son cycle de développement au sein d’un paysage uniforme de vignes. C’est ce que montrent les premiers résultats de suivis faunistiques et floristiques de 2019. Les sols nus des vignes sont, pour le moment, peu favorables à la biodiversité et les observations d’espèces sont complètement liées aux habitats naturels voisins, montrant ainsi tout leur intérêt. Reste à suivre maintenant l’évolution de la biodiversité au sein des vignes avec la végétalisation des inter-rangs, permettant une réelle connexion entre les vignes et les milieux naturels attenants.

La mission globale que s’est donnée la LPO AuRA est « d’agir pour la nature et la biodiversité, avec l’ensemble des citoyens et tous les acteurs de la société, afin d’assurer la sauvegarde des espèces sauvages et la préservation de leurs habitats ». C’est donc logiquement que le rapprochement s’est fait avec les Vignerons Ardéchois, d’autant plus lorsque l’on connait l’impact positif ou négatif que peut avoir l’agriculture sur la biodiversité. Une étude récente du Muséum National d’Histoire Naturelle et du CNRS avec l’aide de la LPO montre que les populations d’oiseaux dans les campagnes ont diminué d’un tiers en 15 ans. La LPO, notamment au travers de son programme « des terres et des ailes », travaille avec les agriculteurs afin de lutter contre ces disparitions.
Notre objectif est donc évident : il s’agit d’agir avec les viticulteurs en faveur de la biodiversité en réunissant nos compétences pour mettre en œuvre des actions concrètes dans et aux abords des vignes. Il s’agit d’accompagner les viticulteurs dans la création d’aménagements favorables aux espèces de la faune sauvage (oiseaux, mammifères, insectes, reptiles, batraciens,…) en reconstituant des habitats propices à leur alimentation (plantes herbacées, graines, proies), leur reproduction (zones abris), leur déplacements (corridors) et leur quiétude (zone refuges et de repos). Ces 4 éléments sont fondamentaux dans la fonctionnalité des populations, des peuplements et de la biodiversité en générale.
L’idée est de favoriser la biodiversité tout en garantissant aux viticulteurs une production de vin de qualité et de bonnes conditions pour la pratique de leur métier. Il faut donc prendre en compte les contraintes de chacun.

C’est dans cette optique, que seront favorisées les espèces auxiliaires de cultures, c’est à dire les espèces susceptibles de prédater et donc de réduire les populations d’insectes ravageurs de la vigne, comme c’est le cas des chauves-souris sur le vers de la grappe par exemple. Il est établi aujourd’hui que pour favoriser ces précieux auxiliaires et pour qu’ils aient un réel impact sur les ravageurs, il faut que les conditions environnementales (les habitats naturels) permettent leur présence permanente ou leurs passages dans les vignes pratiquement toute l’année.
Pour continuer sur l’exemple des chauves-souris, leur présence est conditionnée par celle des insectes. Il faut donc des insectes, qui ne sont heureusement pas tous des ravageurs des cultures, en quantité et sur une longue durée pour qu’elles utilisent le domaine comme territoire de chasse permanent. Pour les insectes butineurs, c’est la diversité des plantes à fleurs – qui va permettre une floraison étalée dans le temps sur plusieurs mois (depuis l’amandier en février jusqu’aux plantes herbacées en fleur jusqu’à l’automne) autour et dans les vignes – qui va favoriser leur présence. Ainsi, c’est par la présence de bandes enherbées, de friches, de pelouses sèches… qui va conditionner la présence d’insectes, et qui favorisera à son tour celle des chauves-souris, qu’elles pourront ensuite jouer leur rôle d’auxiliaire lors des pullulations d’insectes ravageurs de la vigne.

Il faut que les vignes et leur abords redeviennent riches en termes d’espèces végétales et animales et que les relations et interactions entres les espèces elles-mêmes et les entre les espèces et les habitats soient fonctionnelles. Concrètement, cela signifie qu’il faut recréer et/ou préserver des habitats (prairies à fleurs autochtones, bandes enherbées, haies à plusieurs strates de végétation, arbres isolés, corridors diverses (fossés, talus,…), murets, cabanes en pierres, mares…) pour favoriser les espèces. La connexion entre ces habitats est également très importante pour permettre le déplacement des espèces.
Pour terminer, le travail en partenariat avec les Vignerons Ardéchois, est l’occasion pour la LPO de sensibiliser les viticulteurs sur les enjeux de la biodiversité et d’apporter son expertise sur les aménagements à mettre en place. Il faut apprendre à travailler ensemble, à mieux se connaître et à bien identifier les contraintes de chacun. C’est notre capacité à réunir nos compétences qui permettra d’atteindre ces objectifs si important à nos yeux, à ceux des viticulteurs et de la société. «
