Qui de mieux placé pour parler d’engagement pour la nature, de protection de l’environnement et surtout de la démarche Ardèche Par Nature® sinon les vignerons qui ont choisi de rejoindre cette démarche ?! Alors avec mon stylo et mon bloc-note, je suis partie à leur rencontre.

Julien Rémondat, 35 ans, viticulteur sur la commune de Valvignères, en GAEC avec son épouse.
Après une brève présentation dans laquelle il m’explique que sa femme a quitté son poste d’infirmière pour changer de métier et le rejoindre sur l’exploitation, Julien me présente son vignoble :
On exploite 26 ha de vignes, dont la plupart sur la commune de Valvignères, et 3 ha sur la commune d’Alba. Les cépages : en blanc Chardonnay (4ha), Viognier (6ha), Sauvignon blanc (1.5ha), Ugni Blanc (70 ares) ; et en rouge, Pinot (1ha), Merlot (5.5ha), Grenache (3.5ha), Syrah (2.5), et Cabernet (1.5ha). Sur les 26ha, nous avons 10ha en charte de qualité (6ha de Viognier, et 4ha de Chardonnay, dont 1ha qui part pour la Maison Louis Latour), et pour « Ardèche Par Nature » nous avons les Merlot, les Syrah et les Grenache Noir, ce qui fait un total de 11ha. Nous avons donc 21ha classés sous charte de qualité sur nos 26ha de vigne.
L’adhésion à cette démarche vous demande-t-elle plus de travail ?
Je suis engagé dans le réseau desFermes DEPHY (ECOPHYTO), lancé par le Ministère de l’Agriculture en 2009 ; ils ont cherché des agriculteurs qui étaient volontaires pour réduire leur utilisation de produits de protection des plantes. Ça peut être des fermes conventionnelles ou converties en bio. On a fait une première session de 2011 à 2015 avec des objectifs fixés au départ. Et là on vient de redémarrer une session de 5 ans de 2015 à 2020, avec de nouveaux objectifs. Mon objectif de départ était de réduire de 20% l’utilisation des produits.
Objectif atteint ?
Pas tout à fait ; je suis à 15%. Il faut dire aussi que l’année de référence est l’année 2010 ; il se trouve c’était une année assez économe en produits phytosanitaires, parce qu’il n’y avait pas trop de pression de maladies, et déjà, je raisonnais pas mal. C’est pour ça que j’ai eu du mal à atteindre mes 20%. Maintenant, on repart avec de nouveaux objectifs ; pour moi, il s’agit surtout de réduire l’utilisation des herbicides et de supprimer l’épamprage chimique, pour passer à un épamprage manuel ou mécanique.
Pourquoi avoir fait le choix de rejoindre cette démarche, alors que vous êtes déjà investi dans d’autres démarches environnementales ?
Du fait d’être investi dans les fermeEcophyto, il y avait déjà pas mal de chose pour lesquelles j’étais aux normes ou déjà engagé. Cela ne me demande pas un investissement beaucoup plus important ; c’était simplement évident d’adhérer à cette démarche.
Mais aussi pour des raisons sociétales ; les gens nous demandent si on est en bio. Cette démarche permet d’avoir des arguments pour montrer notre engagement envers l’environnement, sans être autant être converti en bio.
Et pourquoi ne pas pousser jusqu’au bio ?
Déjà parce qu’en culture bio, c’est une organisation différente au niveau de la protection phytosanitaire, et c’est surtout très limité ; on ne peut utiliser que le cuivre et le souffre pour traiter la vigne contre certaines maladies, et des années comme 2016, on s’aperçoit que les viticulteurs en bio ont traité plus de fois que les viticulteurs non-bio, alors des fois je me demande où est l’intérêt écologique. Avec 26ha je ne suis pas capable de faire la protection phytosanitaire de cette manière ; il faut être très réactif ! Ce qui est dommage, c’est que dans l’esprit des gens, en culture bio cela veut dire « on ne traite pas » ; sauf que pour l’instant, il n’existe pas d’autres solutions, et parfois on est obligé de traiter la vigne pour la protéger de certaines maladies.
Et puis il y a une deuxième limite ; sous le rang, on est obligé de travailler le sol et c’est quand même une grosse contrainte au niveau du temps. J’ai des collègues vignerons en cave particulière convertie en bio, pour faire la même surface que nous, ils sont 1 viticulteur de plus ; ça demande donc plus d’investissements. Et pour le moment il faudrait qu’on soit capable d’amener une valeur ajoutée à nos produits pour que ça vaille le coup de passer en bio.
Quelles sont les actions que vous avez mises en place ?
- Mise en place d’optidose (protocole préconisé par l’Institut Français de la Vigne et du Vin pour l’analyse des risques et besoins en termes de traitements sur la vigne) ; j’ai des rangs témoins non traités pour suivre l’évolution des maladies et connaitre le taux de pression afin de réduire les traitements.
- Mise en place de couverts végétaux : pour réduire l’utilisation des herbicides et en même temps améliorer la vie du sol et le taux de matières organiques, dans le but aussi de diminuer les engrais. Dans la démarche Ardèche Par Nature®, on n’utilise de toute façon plus d’engrais chimiques, uniquement des engrais organiques.
- Suppression de l’épamprage chimique : nous avons investi dans une épampreuse mécanique
Et les actions à venir ?
Il y a de nouvelles choses qui arrivent, donc nous allons essayer de vraiment faire évoluer les pratiques en protégeant le sol par le végétal.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis de cette démarche ?
Que ça permette de communiquer sur nos bonnes pratiques, et de progresser dans le travail de la vigne. En adhérant à cette démarche, on a quand même des arguments à fournir, même sans être en culture bio. Et c’est une attente sociétale, on y coupera pas !
Et puis toutes ces démarches ont pour but de préserver les sols, pour ma génération et pour les générations qui vont suivre. Le but c’est de laisser une exploitation fertile si un jour mes enfants reprennent.
C’est une façon de mieux connaitre et mieux protéger notre environnement.
Comment voyez-vous l’avenir de la viticulture ?
Plutôt bon ! Ma femme m’a rejoint, elle a quitté son boulot d’infirmière, donc je vois plutôt l’avenir sereinement. Rien n’est acquis, tout reste à faire ; il y a encore des évolutions possibles, et je ne vois pas pourquoi ça n’irait pas.
Le système coopératif me convient parfaitement ; on a toujours du mal à trouver des arguments par rapport aux caves particulières où le vigneron fait son vin devant les clients. Nous c’est notre petit handicap, on ne peut pas se défendre ni expliquer notre travail, mais je vois pas pourquoi en mettant des moyens en commun on n’y arriverait pas.
Je suis optimiste ; on ne se lance pas dans des démarches comme ça si on n’est pas optimiste.